Petite mystique du dialogue

mystiqueAlberto Ambrosio, Petite mystique du dialogue, Éditions du Cerf, 2013, 102 p.

Le religieux qui signe ces pages aurait pu, fidèle à une certaine idée de l’humble vocation, rester anonyme, mais c’eût été tricher. Sa dette envers le monde créé déborde les limites d’un cœur qui lui appartient, ô combien. Même s’il peut passer pour un de ces tenants de l’« essai », qui nous procure une clé possible de l’« humaine condition », incomplète par essence, aspirant par nature à se fondre dans autre chose, nul ne lui objectera qu’il a entrepris, en se peignant, un « sot projet ». Mais ne remontons pas au vieux débat académique où Pascal réprimanderait un autre Montaigne. Même le grand janséniste n’avait pas vu la dimension de dialogue (et c’est fort opportunément que le titre ici retient ce mouvement essentiel) qui anime toute profession, étymologiquement, de sa foi. À la rencontre de l’autre en soi, est-il échange plus fondateur ? Bien libre au lecteur de ne pas franchir le dernier degré de cette fusion appelée par toutes les fibres d’un être assoiffé de vrai, il ne suivra pas moins avec passion cette ascension vers un mystère toujours là et dur à dévoiler. Ajoutons que l’espace même du dialogue est tout trouvé : l’auteur vit et travaille à Istanbul, chrétien en milieu musulman, clerc en commerce spirituel avec d’autres clercs, jusqu’au point où les frontières d’un même mouvement fondent la différence et l’abolissent.

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Quand les soufis parlent aux chrétiens

Alberto Fabio Ambrosio, Quand les soufis parlent aux chrétiens. À la rencontre d’un islam fraternel, Paris : Bayard, 2016. « L’islam qui se donne en spectacle aujourd’hui n’est probablement que la parodie — très triste — d’une véritable religion », écrit Alberto Fabio Ambrosio. S’inspirant audacieusement de la parabole évangélique du Bon Samaritain, l’auteur nous propose alors de voir dans l’homme roué de coups par des brigands cet islam défiguré par de prétendus coreligionnaires. Véritable exercice spirituel qui nous entraîne, dans une perspective interreligieuse, à l’épreuve du dialogue. Et si nous avions à nous reconnaître comme le prochain de cet islam martyrisé ? C’est-à-dire, en suivant le renversement évangélique, à exprimer le besoin de foi envers l’autre, et à envisager ce rapport d’aide sous l’angle d’une amitié en devenir. Ce dialogue mystique, l’auteur le conduit en explorant la voie du soufisme, au service d’un islam et d’un christianisme proches et fraternels. Acheter ce livre sur Amazon.fr.

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Itinéraires soufis

Alberto Ambrosio, traduction de Sadik Yalsizuçanlar, Itinéraires soufis, récits d’Ibn ʿArabi, Éditions du Cerf, 2013, 299 p. Atypique, Ibn ʿArabi certes le fut. Ce héros de roman bouscule les lois du genre : en fouiller la psychologie, couleur locale incluse, c’est manquer le mouvement perpétuel d’un cœur qui embrasse le Tout et se fait voyant. Cet esprit infatigable, mû par tous les talents, vers et prose confondus, qui précède de trois bons siècles la Renaissance (Murcie, Andalousie, 1165 — Damas, 1240) déconcerte le biographe, avec ses semelles de vent et son Livre sacré à la main. Ce défi, un auteur turc de notre temps, le relève. Sadik Yalsizuçanlar, bannissant l’érudition, choisit de dérouler, mêlant la première et la troisième personnes, ce fil entêté de la recherche du Vrai, de la rencontre avec Averroès à Cordoue — l’ami de la famille — à l’appel de l’immensité d’un monde arabe quasi infini, sans oublier la formation acquise auprès d’une mère spirituelle fort importante. Cette Méditerranée jadis vouée à Ulysse reste le lieu des nostalgies, mais le soufi les transfigure, grâce à cette présence-absence que l’islam caractérise si bien comme un entre-deux, assumant ici-bas formes et signes et, de façon « imaginaire », la sainteté (lui-même est dit « Sceau de la sainteté »). La poétique du déchiffrage du monde (huit cent-cinquante ouvrages sont à son actif) cohabite constamment avec la pratique d’une ascension systématique. Ces « Itinéraires » disent les aventures de l’esprit s’échappant de la matière. La lettre, le mot y sont les instruments d’une autre cabale : la relation quasi directe de la créature et de Dieu est affaire de langage, d’amour, de contemplation — une seule et même chose. Dieu n’est pas nouménal, le phénomène en soi est Dieu même. La doctrine, tout compte fait — infinie puissance de la dialectique —, dit la présence absolue : ne serait-ce que parce qu’on peut être là et ailleurs, autrefois ou demain et maintenant, la philosophie de ce fils de Platon s’éclaire d’un jour nouveau, soudain très surprenante, et très vivifiante, pour notre rationalisme. Acheter ce livre sur editionsducerf.fr.

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