L’émergence du ḥadīṯ comme autorité du savoir entre le 4ᵉ/10ᵉ et le 8ᵉ/14ᵉ siècles

icon-calendar 11‒13 janvier 2018

Les 11, 12 et 13 janvier, l’Institut dominicain a organisé en partenariat avec l’Institut français un colloque international dédié au Ḥadīṯ. Nos deux intervenants invités étaient Dr. Aisha Geissinger (Université Carleton, Ottawa, Canada) et Prof. Walid Saleh (Université de Toronto, Canada). Le premier jour ont été présentés 7 interventions en arabe, le deuxième jour, 5 interventions en anglais, et le troisième se sont tenus deux ateliers, un en arabe et un anglais. Voici les points principaux qui ont été discutés durant les ateliers et la séance de conclusion :

1- Des questions de méthodologie : comment étudier le Ḥadīṯ ajourd’hui ? Comme corpus littéraire, comme source de droit, comme objet de piété liant son lecteur à la personne du Prophète, comme témoin d’un contexte historique donné…

2- La question de la pertinence du recours aux sciences humaines contemporaines, et donc de traiter de corpus sacrés de manière profane (Coran, Ḥadīṯ).

3- La question de la critique historique : légitime ou non, en s’appuyant sur les corpus canoniques ou en en composant de nouveaux, avec quels outils… dans quel but ? Évaluation de l’isnād ou/et du matn ?

4- La question des points aveugles dans l’histoire du Ḥadīṯ : les voix qui ne sont pas exprimées, les femmes, les minorités… Comment écrire une histoire qui prenne en compte ce qui n’est pas documenté, le point de vue de ceux qui sont dominés ou réduits au silence ?

5- La question de la « raison » (ʿaql), qui souffre, en arabe, d’une définition de travail, permettant ainsi à chacun de s’en réclamer, ou de la refuser aux autres. Il semble que les chercheurs confondent en réalité souvent « raison » (ʿaql) comme capacité et « rationnalités » (ʿaqlāniyyāt) comme ses mises en œuvres.

6- La présence de plusieurs personnes issues de minorités musulmanes durant le colloque (un ibadite omanais, 2 ismaéliens séoudiens, 2 chiites irakiens) a aussi ouvert le débat des lectures différentes du Ḥadīṯ.

7- La question du « miracle scientifique » (cf. Bucaille), qui trouve toujours des adeptes, y compris dans le domaine du Ḥadīṯ.

La séance de conclusion

Lors de la séance de conclusion, Walid et Aisha ont insisté sur l’un ou l’autre de ces points. La question de l’émergence du Ḥadīṯ comme source d’autorité n’a pas été abordée en tant que telle. Si Ruggero Sanseverino a abordé la question épistémologique de cette autorité, pour la lier spirituellement (et non pas mécaniquement) à la personne du Prophète, les autres interventions ont abordé la question de l’autorité du Ḥadīṯ dans tel contexte, dans telle science, chez tel auteur. Mais aucun n’a étudié la question sur une période longue, et ni les ateliers ni la séance de conclusion ne s’y sont essayé. Un des aspects les plus intéressants de ce colloque était probablement le fait qu’il fasse se rencontrer des chercheurs qui étudient en Occident et des chercheurs égyptiens, ce qui explique probablement que les questions méthodologiques aient pris une telle ampleur durant les ateliers.

Les actes de ce colloque seront publiés dans le MIDÉO 34 (2019).

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L’édition du Coran du Caire de 1924 Textes, histoires & enjeux

4ᵉ colloque de l’Idéo au Caire, 16 et 17 octobre 2021 Comité scientifique : Omar Alí-de-Unzaga (IIS, Londres), Aziz Hilal (Idéo, le Caire), Davidson McLaren (Thesaurus Islamicus, Istanbul), Ahmad Wagih (Idéo, le Caire). Coordination : Asma Hilali (Université de Lille). Voir les communications du samedi 16 octobre Sous l’égide de l’Institut dominicain d’études orientales, dans le cadre du projet Adawāt, a eu lieu dans les locaux de l’Université américaine du Caire un colloque international sur « L’édition du Coran du Caire de 1924 » que l’on appelle plus précisément « le Coran du roi Fuʾād » pour le distinguer du « Coran du roi Fahd », dit aussi « Coran de Médine » (1985). Sous la direction scientifique de Asma Hilali (Université de Lille), appuyée du conseil scientifique composé de Omar Alí-de-Unzaga (IIS Londres), Aziz Hilal (Idéo) et Davidson McLaren (Thesaurus Islamicus, Istanbul), le colloque voulait poser une première évaluation scientifique et une étude contextuelle et historique de l’édition du Coran du Caire de 1924, qui jusqu’alors n’a jamais bénéficié d’un tel événement. Un premier inventaire des maṣāḥif Mohammed Hassan, chercheur au Centre d’étude des écritures et des calligraphies de la Bibliothèque d’Alexandrie a procédé à une sorte d’inventaire des maṣāḥif (singulier muṣḥaf) qui ont existé avant celui de 1924. La plupart de ces maṣāḥif demeurent fragmentaires et on ne connaît ni leurs calligraphes ni leurs copistes. De tous ces maṣāḥif qui marquent le déclin des corans manuscrits, celui de Riḍwān ibn Muḥammad al-Muḫallalātī (1834-1893) est le mieux écrit et le mieux conçu. Mais il n’échappe pas pour autant aux travers des autres maṣāḥif imprimés : mauvaise qualité des papiers d’impression qui compromet une bonne conservation sur le long terme ; fautes diverses et variées ; absence de ponctuation ainsi que des marqueurs indispensables pour une lecture de bonne qualité (taǧwīd) ; marqueurs impliquant une sāǧida (prosternation) ; etc. À noter que malgré les imperfections de ces maṣāḥif, ils ont contribué à la standardisation du muṣḥaf imprimé dont le muṣḥaf du roi Fuʾād ne sera que la continuation. Puis Ahmed Mansour, chercheur dans le même centre, a proposé d’analyser un muṣḥaf édité dans les imprimeries de Būlāq en 1881. Cela a été pour l’intervenant l’occasion de revenir sur l’histoire des éditions européennes et occidentales du Coran (le coran de Venise, de Flügel, de Kazan… etc.) et sur les premières activités de la maison Būlāq, fondée par Mohammed Ali en 1820. Le muṣḥaf analysé par l’intervenant semble avoir tiré profit de tous les corans précédents, mais il adopte l’écriture orthographique (al-rasm al-imlāʾī) et non pas la graphie osmanienne (al-rasm al-ʿuṯmānī, relatif au calife Othman), alors que cela était le cas pour le Coran dès le VIIᵉ siècle. Notons enfin que ce muṣḥaf est inachevé et ne mentionne pas le nom des sourates. Quelle audience de cette édition dans le monde musulman ? Dans son intervention, Ali Akbar, chercheur à Bayt al-Qurʾān à Jakarta (Indonésie), a évoqué la place du muṣḥaf du roi Fuʾād parmi les maṣāḥif imprimés en Indonésie à la fin du XIXᵉ et au XXᵉ siècle. Le chercheur a indiqué que la plus ancienne édition lithographique date de 1848 et vient de Palembang au sud de Sumatra. D’autres éditions du Coran sont arrivées en Indonésie après cette date, notamment une édition indienne. Ali Akbar souligne que le muṣḥaf du Caire a bien été utilisé en Indonésie. Il a été apporté par des Indonésiens ayant étudié au Caire. Il reste que son usage est très peu répandu. Le dimanche 17 octobre au matin a eu lieu le deuxième panel dirigé par Michael Marx (responsable du Corpus Coranicum au Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften). La première intervention de ce panel a été faite par Necmettin Gökkır, de l’université d’Istanbul, et elle portait sur la réception et la perception du Coran du Caire dans la Turquie post-ottomane. La réception du Coran égyptien était un peu mitigée, nous dit N. Gökkır, étant donné que la première édition du Coran ottoman avait eu lieu en 1874 et avait déjà bénéficié d’une large diffusion dans le monde contrôlé à l’époque par les Ottomans, dont l’Égypte. Les autorités religieuses turques avaient de ce fait du mal à accepter ce nouveau muṣḥaf, bien qu’ils y reconnaissent leur propre style et leur propre méthode d’édition du Coran. Mais ils n’ont vu dans l’entreprise de Fuʾād qu’une tentative de s’opposer à l’autorité religieuse turque sur le monde musulman. D’où vient le succès de l’édition du roi Fuʾād dans le monde arabe ? Michael Marx a mis en perspective historique l’édition du Coran du roi Fuʾād. Il a montré que depuis 1950, ce Coran est devenu la référence incontournable pour les chercheurs et les universitaires européens, avant que cette édition ne soit reléguée en seconde zone par le muṣḥaf du roi Fahd. Des corans « nationaux » sont venus se greffer à ces deux corans « standards », soit pour servir des objectifs éducatifs ou rituels, soit pour glorifier, grâce à de magnifiques éditions, des États ou des institutions religieuses. L’intervention de Philipp Bruckmayr, de l’université de Vienne, a démontré que l’édition du Caire de 1924 a eu une influence sur l’ensemble de la sphère musulmane arabophone grâce à l’édition du muṣḥaf du roi Fahd appelé aussi « Coran de Médine », qui a été lancée par le roi saoudien Fahd ibn Abdelaziz en 1985. Contrairement à une idée reçue, si l’édition du Caire de 1924 a eu peu d’écho dans le monde arabe musulman, elle s’est répandue par cette édition de Médine qui est un pillage de l’édition cairote de 1924 et son intégrale reproduction à deux exceptions près. Ce muṣḥaf de Médine s’insère dans un projet plus large : affirmer la position centrale de l’Arabie saoudite au sein du monde musulman, en traduisant le Coran dans à peu près quatre-vingt langues et en travaillant à élargir l’influence de l’Islamic University of Medina (IUM) au détriment d’al-Azhar. Les lawāḥiq Dans une autre intervention, Mohammed Hassan a abordé la question des lawāḥiq (les annexes) aux différents maṣāḥif imprimés et le rôle du muṣḥaf du roi Fuʾād dans la standardisation de ces lawāḥiq. Le premier à avoir donné une annexe conséquente à son muṣḥaf était

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Le Coran du Caire 1924: Textes, histoires & enjeux

Colloque de l’Idéo Le Caire, 16‒17 octobre 2021 Cliquer ici pour télécharger le programme du colloque… Présentation Le colloque propose une réflexion historique sur l’édition du Coran du Caire établie sous l’autorité du comité d’al-Azhar en 1924 et connue aussi sous l’appellation « édition du roi Fuʾād ». Cette édition, qui fêtera ses cent ans dans trois ans, a été précédée par plusieurs autres, en Égypte et ailleurs. Elle est d’une importance capitale dans la société musulmane moderne et contemporaine et dans les études coraniques depuis la deuxième moitié du XXᵉ siècle et notamment les études sur les manuscrits. L’édition du Caire met à disposition des musulmans ainsi que des chercheurs sur l’islam une version du texte coranique qui deviendra progressivement la référence religieuse, liturgique, académique la plus populaire dans le monde islamique. Malgré la prolifération des éditions académiques d’anciens manuscrits du Coran durant les vingt dernières années, la popularité du Coran du Caire n’a jamais été remise en cause. Au contraire, de nombreuses études sur le Coran utilisent le Coran du Caire comme référence académique et comme point de comparaison permettant de souligner les particularités des anciens manuscrits. Plus qu’un événement religieux s’adressant aux musulmans, le Coran du Caire est ancré dans le contexte politique et civilisationnel particulier du début du XXᵉ siècle. Ainsi, l’avènement du Coran du Caire a une portée qui dépasse la sphère de la croyance et qui prend sa place dans l’histoire de la civilisation islamique : histoire des institutions, histoire matérielle, histoire de la pensée religieuse et des études islamiques. Thématiques du colloque Ce colloque, qui se veut une préparation d’un deuxième colloque dans trois ans à l’occasion du centenaire du Coran du Caire, accueillera des communications en trois langues (arabe, français, anglais) qui proposent une réflexion sur les thématiques suivantes : 1) L’imprimerie dans le monde musulman au tournant du XXᵉ siècle Cet axe du colloque se penche sur les avancées technologiques qui ont précédé et accompagné l’émergence de l’édition du Caire. Cet axe aborde également les éditions du Coran qui ont précédé l’édition du Caire de 1924 et les raisons pour lesquelles ces mêmes éditions ont été « retirées » ou sont moins connues que l’édition du Caire. Les éditions produites dans d’autres pays comme l’Inde, l’Iran, la Turquie, la Russie, l’Allemagne seront étudiées ainsi que les contextes politico-religieux et les enjeux de leurs apparitions. 2) L’histoire des institutions L’histoire des institutions et notamment l’histoire d’al-Azhar et du Ministère de l’enseignement ; le processus d’édition du Coran et les modalités de ce travail. Cet axe consiste dans un travail d’archives qui retrace la méthodologie du comité d’al-Azhar chargé de mettre en place l’édition du Caire de 1924. Cet axe se penche également sur le volet éducatif de l’édition du Caire et le lien entre imprimerie et institutions d’enseignement à l’époque post-ottomane. 3) L’histoire des études coraniques L’histoire des études coraniques et notamment la recherche sur les manuscrits coraniques et la place de l’édition du Caire. Cet axe se penche également sur la question de la canonisation du Coran ainsi que ses traductions et la place de l’édition du Caire au sein de ces questions. 4) La production des muṣḥaf-s L’impact de l’édition du Caire sur la production des muṣḥaf-s dans le monde musulman. La matérialité du livre sera adressée dans cet axe et notamment la calligraphie, la typographie et le style de l’écriture. 5) Les pratiques dévotionnelles L’impact de l’édition du Caire sur les pratiques dévotionnelles, la liturgie, la récitation et notamment les variantes coraniques. Méthodologie Les propositions de communications sont à envoyer sous forme de résumé d’une page, avant le 15 mai 2021, par email à secretariat@ideo-cairo.org (sujet du mail : « Proposition Colloque Coran du Caire »). Tout en étant ouvert au public, ce colloque est conçu comme un lieu de travail et de débat scientifique. En conséquence, il sera demandé aux personnes sélectionnées d’envoyer 3 à 4 pages résumant leur propos à destination des autres membres de l’atelier (pour le 15 septembre 2021), de suivre l’intégralité du colloque et de participer comme « discutant » dans un autre atelier que celui de leur communication (et donc de lire à l’avance les documents qui leur seront envoyés à cette fin). Coordination  Asma Hilali (Université de Lille). Comité scientifique Omar Alí-de-Unzaga (IIS, Londres). Aziz Hilal (Idéo, le Caire). Davidson McLaren (Thesaurus Islamicus, Istanbul). Ahmad Wagih (Idéo, le Caire). Organisation logistique et financière Grâce à un financement de la Délégation européenne au Caire, dans le cadre du projet Adawāt (2018‒2022), l’Idéo pourra prendre en charge le billet d’avion et l’hébergement de dix participants. Dates du colloque : 16‒17 octobre 2021 Langues : Français, anglais et arabe Lieu du colloque : Le Caire (Égypte) Pour plus de renseignements, merci de nous écrire à secretariat@ideo-cairo.org.

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La récitation dans les premiers siècles de l’Islam (7ᵉ‒9ᵉ siècles)

3ᵉ colloque de l’Idéo au Caire (et sur Zoom) icon-calendar 16‒18 octobre 2020 Conférencier invité: Prof. Devin J. Stewart, Emory University (Atlanta) Coordination scientifique : Anne-Sylvie Boisliveau (Idéo, Strasbourg) & Asma Hilali (Lille) Les questions soulevées par le thème de la récitation sont nombreuses et parfois difficiles à cerner, comme l’a parfaitement résumé Devin Stewart dans ses remarques conclusives. La première difficulté est d’ordre méthodologique : nous parlons d’un phénomène fondamentalement oral dont nous cherchons des traces à l’écrit. Les différentes interventions ont manifesté la diversité des supports possibles : inscriptions lapidaires, ostraca, papyrus et manuscrits. Les informations concernant la récitation sont soit contenues dans des notes marginales ou interlinéaires plus ou moins codifiées, soit à déduire des verbes utilisés pour décrire la façon dont le contenu du texte est transmis. Plus fondamentalement, le thème de la récitation impose de s’atteler de front à la question de ce qu’est un texte. Le cas de l’homélie est paroxystique : apprise par cœur à partir de notes éventuellement écrites, puis prononcée avec plus ou moins de fidélité au projet initial, prise en note par certains auditeurs pendant ou après l’audition, rédigée ensuite par un écrivain professionnel selon des canons littéraires établis, puis mise en circulation dans une version éventuellement relue par celui qui l’a délivrée. Dans ce cas, quel est le « texte » de cette homélie ? Les prières eucharistiques coptes, après avoir longtemps été obligatoirement improvisées, se stabilisent sous l’effet des changements linguistiques, et des querelles dogmatiques. Le texte du Coran s’élabore et se stabilise en même temps qu’il est diffusé, à l’écrit et à l’oral. Dans d’autres cas plus tardifs, la transmission de certains textes maintient l’illusion d’une transmission par lecture ou récitation alors que le processus passe entièrement par l’écrit. Le format en ligne ne nous a malheureusement pas permis de faire une place à la récitation dans le zoroastrisme, le judaïsme ou à Byzance. Une question qui n’a pas non plus pu être abordée est celle du pouvoir des mots récités. La proclamation récitée d’un texte engendre un effet différent de sa lecture, publique ou privée. Cet effet est-il étudiable ? Plus généralement, quels sont les buts visés par la récitation ? L’enseignement, la transmission, la piété, l’esthétique, l’acquisition d’œuvres bonnes, le renforcement de l’autorité du texte par la dramatisation de sa récitation ? Toutes ces questions feront l’objet du MIDÉO 37 (2022). Le délai pour envoyer vos contributions est le 1ᵉʳ février 2021. Plus de détails ici…

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